La perfection, c’est bien connu, n’est pas de ce monde. Comme toute réalisation humaine, la revue de l’AFS n’échappe pas à cette loi, ne serait-ce que parce qu’il est impossible de tout savoir, tout dire ou tout faire. Aussi, recevons-nous, de temps à autre, des critiques, bonnes ou mauvaises, sévères ou bienveillantes, élogieuses ou non, …
Entre autres, reviennent assez régulièrement des affirmations du genre : « Vous êtes toujours négatifs ! » ou bien « Vous êtes trop critiques ! » ou encore « Vous ne savez pas voir le bien ! » etc. Certains se sont même désabonnés parce qu’il nous est arrivé d’émettre un avis réservé à propos de certains agissements ou déclarations du Saint-Siège.
S’il y a parfois des jugements de valeur parmi les critiques reçues, si quelques-unes montrent une certaine exagération (car il n’y a pas que du négatif dans la revue, en témoigne les critiques de livres par exemple), toutes ne sont pas dénuées de fondement … Mais ces dernières nous réjouissent d’une certaine façon, car elles sont une preuve de l’utilité de notre travail, puisqu’il a conduit le lecteur à découvrir ou réfléchir sur un point qui nous semble important.
Réponse paradoxale nous direz-vous. Est-ce bien sûr ? Les marins le savent bien. Ce qu’ils demandent à une carte marine, ce n’est pas de leur vanter la beauté de la côte qu’ils sont en train de longer, mais de leur indiquer les écueils de la route. Une carte marine n’indiquerait-elle que des écueils, elle garderait son utilité. Lui manquerait-il un seul écueil, elle serait catastrophique, car celui qui l’utiliserait pourrait bien ne jamais arriver au but. Combien de navires se sont échoués ou perdus corps et biens pour avoir heurté un écueil ou un haut-fond non cartographié !
Oui, nous direz-vous encore, mais vous pourriez vous contenter de dire où il y a de l’eau. Certes, il faut savoir indiquer les chemins les plus sûrs, comme le font les alignements pour entrer au port. Mais, ne serait-ce pas une façon étriquée de présenter les choses ? Il est légitime, dans une certaine mesure, que chacun veuille suivre sa route, certains aux large, d’autre plus près de la côté, certains de nuit, d’autre de jour, etc. Or, il n’est pas possible d’inventorier l’infinie possibilité des routes. Par contre, quelle que soit la route choisie, un écueil reste un écueil, de jour comme de nuit, qu’il fasse beau ou mauvais, … Et pour avoir la liberté d’aller où nous voulons, il est très important de savoir où il est. Car sinon, après l’avoir heurté, nous ne pourrions plus aller nulle part !
Dans un autre domaine, que fait le jardinier ? Lui reproche-t-on d’arracher les mauvaises herbes plutôt que de contempler les rosiers qu’il entretient ? Ne passe-t-il pas son temps à bêcher, dépierrer, désherber, émonder, faire la chasse aux nuisibles, etc. ?
Il en va de même dans la vie courante. La justice codifie les peines mais pas les récompenses. Les policiers sanctionnent les infractions, mais ne distribuent pas de bons points à ceux qui respectent toujours très consciencieusement le code de la route. Pourtant, nul ne songerait à critiquer le comportement de la justice ou de la police.
Ainsi, une grande partie de nos actions consistent à avertir, empêcher, corriger, redresser, … pour permettre un développement. Ceux qui ont à élever des enfants savent parfaitement que, si les sanctions doivent comporter récompenses et punitions, avec certains caractères, les réprimandes sont plus nécessaires que les compliments. Combien de parents se sont mordus les doigts pour avoir un peu trop suivi cette fausse maxime : aujourd’hui, il est préférable de recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité. Ce fut l’erreur du concile Vatican II et nous voyons aujourd’hui où elle a conduit l’Église.
Certes, il faut rester objectif et savoir reconnaître ce qui marche. Mais le plus souvent, il n’est guère besoin d’insister sur ce qui marche, tant sont nombreux ceux qui savent voir ce qui va bien.
Alors, chers amis, merci de nous dire que nous ne faisons trop souvent que dénicher les erreurs, identifier le mal, démasquer les faux-biens, etc. Mais ne le faites pas toujours sur le ton du reproche, … car c’est une de nos raisons d’être ! … comme la carte marine a pour principale raison d’être d’indiquer les écueils et non de vanter la beauté des rivages.
Nous vous fournissons la carte et vous laissons le soin de faire vous-même votre route, conscient que vous ne pourrez faire le bien qu’autant que vous aurez évité le mal. En cela, nous ne faisons que suivre un enseignement de saint Pie X. Dans sa première encyclique, E supremi apostolatus du 4 octobre 1903, il nous dit que pour restaurer une cité catholique :
(…) il faut, par tous les moyens et au prix de tous les efforts :
– déraciner entièrement cette monstrueuse et détestable iniquité propre au temps où nous vivons et par laquelle l’homme se substitue à Dieu,
– rétablir dans leur ancienne dignité les lois très saintes et les conseils de l’Évangile,
– proclamer hautement les vérités enseignées par l’Église sur la sainteté du mariage, sur l’éducation de l’enfance, sur la possession et l’usage des biens temporels, sur les devoirs de ceux qui administrent la chose publique,
– rétablir enfin le juste équilibre entre les diverses classes de la société selon les lois et les institutions chrétiennes.
Pour saint Pie X, le premier devoir est donc de démasquer l’erreur avant celui de rappeler la vérité. Nous avons choisi de respecter cet ordre donné par un saint.
Aussi, même si nous passerons probablement l’année à vous avertir des dangers, erreurs, inexactitudes, déviations, fausses interprétations, … c’est sans hésitation aucune que nous vous souhaitons une sainte et heureuse année 2018.
Yves de Lassus