Douze sentences sur le carême et le jeûne

Douze sentences sur le carême et le jeûne

En ce début de Carême, le frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur nous propose de relire et médites ces sentences données par un vieil ermite en « direction spirituelle » :

1. Le carême, lorsqu’il est accompagné des œuvres qui plaisent à Dieu et qui nous sont prescrites de manière plus particulière en ce saint temps – la prière, le jeûne et l’aumône -, fait de celui qui jeûne une lumière parmi les hommes et un vase d’élection de la Gloire Divine. Le carême est une œuvre spirituelle qui plaît à Dieu lorsqu’elle est pratiquée par amour pour Lui. Aussi, il ne faut pas le pratiquer pour être loués ou admirés des hommes en raison de la rigueur des austérités que nous pratiquons.

2. Nous jeûnons parce que nous aimons le Seigneur Jésus-Christ et que, par amour pour Lui, nous souhaitons faire taire en nous les appétits terrestres, afin de nous nourrir davantage de la Parole divine : les Saints Évangiles d’abord, mais aussi les paroles des autres livres de la Sainte Écriture, ainsi que les paroles de la sainte liturgie. Nous y trouvons la nourriture substantielle de notre âme, l’aliment de notre prière, et la manne de notre croissance spirituelle.

3. Au moyen des paroles de la Sainte Écriture et de la liturgie, la nourriture qui va devenir la plus importante pour notre âme, au moment du carême et si nous savons bien méditer ces paroles de vie, c’est l’amour miséricordieux du Christ. C’est Lui, que nous cherchons plus instamment à atteindre  et auquel nous tendons avec davantage d’ardeur à nous unir, par la prière, par le jeûne et par l’aumône.

4. La discipline du carême, vécue avec générosité et non subie sans enthousiasme, est le signe infaillible de la vérité du désir de l’homme qui croit et qui veut croître dans la Grâce, de se libérer de l’avidité envers les choses matérielles et éphémères, et de la fermeté de sa volonté de s’unir au Dieu des miséricordes, de s’abreuver sans fin à la Source de Vie, et de participer à la joie éternelle qui dépasse infiniment toute joie terrestre.

5. Les fruits du carême ne s’épanouissent pas dans la recherche de la performance ascétique, ni dans le contentement personnel de satisfaire à une discipline religieuse – ce contentement est si facilement pénétré par les formes insidieuses d’un secret pharisaïsme -, mais dans la seule humilité : je m’applique au carême parce que je suis un pauvre pécheur qui a besoin de pardon, parce que je suis le premier à avoir besoin de miséricorde, parce que j’ai un immense besoin de purification et parce que je suis un « membre actif » de l’humanité pécheresse qui, si elle ne fait pas pénitence, sera engloutie par les châtiments de la justice divine !

6. Le jeûne véritable a pour but et conséquence l’élévation de l’homme au-dessus des biens matériels ou terrestres, afin de recevoir les biens spirituels et célestes. Le jeûne véritable est une libération : il brise les chaînes de notre sensualité. Le jeûne véritable élève et transcende l’homme humble et contrit, pour l’unir à son divin Rédempteur. L’homme qui jeûne ainsi que Dieu le veut, Lui devient davantage intime dans la prière, Lui est davantage unit dans toute sa vie, Lui est plus étroitement associé dans l’œuvre du salut et de la sanctification des âmes.

7. Le jeûne n’est pas seulement alimentaire : il doit aussi être celui de tout l’être physique. Il faut pratiquer le jeûne des yeux, le jeûne de la bouche, le jeûne des oreilles, le jeûne de tous les sens… Et le jeûne ne doit pas seulement être corporel : il doit aussi être spirituel. Il faut pratiquer le jeûne de la curiosité, le jeûne des divertissements, le jeûne du cœur.

8. Nul ne peut entrer dans le carême, qui est une lutte spirituelle pour la purification des péchés et l’illumination de l’âme, sans un effort de pardon. Tu dois chercher d’une manière très approfondie jusque dans les replis les plus secrets de ta conscience, si tu n’as pas gardé quelque ressentiment ou refus de pardonner. Pardonner du fond du cœur et sans retour à ceux qui t’ont fait quelque tort, à tous, et quelle que soit la gravité du tort que tu as subi. Comment peux-tu espérer avoir part au pardon miséricordieux de Dieu si tu ne pardonnes pas toi-même entièrement et définitivement à ceux qui t’ont fait du mal ?

9. Le jeûne soutient la prière ; le jeûne accompagne la prière ; le jeûne peut aussi sublimer la prière. Et le jeûne reçoit sa valeur de la prière et de l’effort de l’âme dans sa quête de Dieu ; le jeûne sans la prière ne fait du jeûneur qu’un âne attaché qui braie désespérément dans l’écurie devant sa mangeoire vide ! Le véritable jeûne produit un changement dans la façon d’être de l’homme : le passage de l’avidité ou de l’amour passionnel des choses matérielles, à l’amour des choses spirituelles, pour cultiver plus intensément la prière ou la communion d’amour avec le Dieu immatériel, illimité et inéphémère.

10. L’homme spirituel, qui prie et qui jeûne, illuminé de la grâce du Christ, acquiert la pensée et le regard spirituels, il met à profit les paroles spirituelles et accomplit des œuvres spirituelles par lesquels il est semblable aux saints de Dieu. Nous souhaitons nous nourrir de Son amour miséricordieux et purificateur bien plus que de Ses dons matériels, limités et éphémères. Aussi, au temps du carême, la quantité de nourriture matérielle diminue, tandis que la nourriture spirituelle s’accroît. Nous lisons davantage la sainte Écriture, nous prions davantage, nous nous confessons plus souvent, afin de communier plus souvent et avec davantage de componction.

11. Nul ne peut lutter efficacement contre les esprits mauvais et les passions sombres, égoïstes, s’il n’a acquis au préalable la lumière de la grâce divine par le jeûne véritable, par une prière insatiable, et par une charité et une patience inépuisables envers son prochain.

12. Le grand et saint carême, vécu humblement dans l’observance de ce qui plaît à Dieu, établit l’homme de bien dans un état spirituel de sacrifice et d’offrande pure à Dieu, et dans une incommensurable liberté spirituelle.