Un nouveau document du Saint-Siège restreignant encore l’usage de la messe traditionnelle était supposé être diffusé le 16 juillet dernier, le jour du 3e anniversaire du motu proprio Traditionis Custodes. Un mois après, nous n’avons toujours rien vu. Malgré cela, il nous semble utile de diffuser cette réflexion du frère Maximilien du Sacré-Coeur.
S’il y a un point sur lequel nous devons sans cesse insister pour rectifier – à temps et à contretemps – une idée fausse (que certains « tradis » eux-mêmes contribuent malheureusement parfois à véhiculer), point qui, par ailleurs, revient presque constamment dans l’argumentaire de ceux qui veulent minimiser ou occulter les raisons profondes de notre attachement à la Sainte Messe latine traditionnelle, c’est que l’essence de celui-ci ne repose pas sur l’esthétisme (même si ce peut-être, très légitimement, un motif secondaire de cet attachement), ni sur des goûts personnels, ni sur une certaine « nostalgie du passé », ni sur un effet de « mode vintage ».
En bref, il ne s’agit pas d’un problème de « sensibilité » ; ce n’est pas une question de soutane, de latin, de chant grégorien, de beauté des ornements ou de je ne sais quoi encore dans les formes extérieures (qui ne sont toutefois pas négligeables dans la mesure où elles sont l’expression d’une réalité ontologique), mais c’est une question de foi.
Que l’on ne me fasse pas dire, ce que je ne dis pas, n’écris pas et ne pense pas, à savoir que les fidèles qui assistent à la célébration de la Messe selon l’ordo missae issu de la réforme de Paul VI ainsi que les prêtres qui la célèbrent auraient tous fait naufrage dans la foi, et ne seraient plus catholiques ; mais je constate – parce que je ne suis ni sourd ni aveugle -, qu’un grand nombre de fidèles dans les paroisses où ce rite est célébré, et qu’un nombre trop important de prêtres qui le célèbrent, n’adhèrent plus fermement aux vérités de foi de la Sainte Eglise catholique, ou les réinterprètent, ou les édulcorent, ou les relativisent.1
Je ne dis pas que c’est la « Messe de Paul VI » (disons ainsi pour faire plus simple) qui est LA cause de cette perte ou de cet amoindrissement de la foi, car ce serait d’un simplisme qui confinerait à la malhonnêteté intellectuelle, je constate seulement que, partout où elle est célébrée, si les prêtres et les fidèles n’y font pas un effort continu pour demeurer chaque jour entés sur les vérités fondamentales du dogme catholique, on assiste au développement et à la progression quasi inéluctable de toutes les erreurs et hérésies liés au modernisme condamné par Saint Pie X.
Et, de ce fait, je ne crains pas d’affirmer, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire et de l’écrire, que l’ordo missae de 1969 ne constitue habituellement pas un rempart contre les erreurs doctrinales, de même qu’il ne garantit pas la croissance dans l’amour fervent des vérités de la foi révélée.
Je ne dis pas non plus que toutes les Messes célébrées selon le « missel de Paul VI » sont invalides : si un prêtre, validement ordonné, ayant la volonté d’accomplir ce que veut faire la Sainte Eglise (et le strict et quasi scrupuleux respect des rites et des rubriques est la manifestation extérieure de cette volonté), réalise les gestes sacramentels et prononce les paroles prescrites qui les doivent accompagner, la consécration sera valide.
Mais j’ajoute que, d’une part, cela n’ôtera pas les graves imperfections et les ambigüités de ce rite, et que, d’autre part, nous ne savons que trop – hélas ! – que beaucoup de prêtres, depuis l’instauration de ce nouvel ordo missae, et cela va de pair avec une formation sacerdotale indigente ou erronée liée à une crise doctrinale généralisée, ne remplissent plus les conditions requises pour la validité de la Messe.
Ce dernier constat a une conséquence pratique directe : à moins de très bien connaître le célébrant et ses intentions au point d’avoir une confiance objective absolue, le reste du temps, en de très (trop) nombreuses occasions, en raison même de ce que l’on voit et entend, on est pour ainsi dire forcé de douter de la validité de ces Messes célébrées communément dans les églises de la Chrétienté en ruines.
Nous connaissons plutôt bien les cas de ces prêtres diocésains qui portent la soutane, qui « remettent du latin » dans la célébration (en particulier avec le chant du kyriale et du Credo), qui officient avec sérieux et piété, qui parfois même ont plaisir à célébrer « ad orientem » – car rien ne s’y oppose, tout au contraire – la « Messe de Paul VI » : d’une certaine manière nous pouvons affirmer que c’est plutôt bien, puisqu’ils ré-instaurent dans les paroisses des éléments qui appartiennent à la Tradition multiséculaire de l’Eglise latine, et qu’ils habituent à nouveau les fidèles à autre chose qu’au misérabilisme et aux fantaisies multiformes des liturgies paroissiales qui ont prévalu à la suite de la réforme liturgique…
Mais cela suffit-il ?
En plus de cinq décennies de pratique, le novus ordo a donné d’innombrables preuves de son caractère équivoque, selon le mot très juste et très exact de feu Monseigneur Ducaud-Bourget (cf. > ici).
Or indépendamment de la louable bonne volonté d’une partie non négligeable des nouvelles générations du clergé, générations souvent moins idéologues que celles des révolutionnaires de l’après-concile et de l’après-68, la célébration du « Missel de Paul VI » dans des formes plus traditionnelles, si elle constitue un pis-aller, ne sera jamais une solution.
Le novus ordo est par trop de points définitivement équivoque et sous-entend des doctrines hétérodoxes que ne corrige pas un aspect plus traditionnel donné à la forme de la célébration : c’est comme si l’on collait une étiquette portant le mot « médicament » sur un flacon contenant du poison, sans vider le liquide nocif qui se trouve à l’intérieur et sans le rincer très soigneusement.
Il ne suffit pas de changer l’étiquette ou l’aspect du flacon, il faut changer le contenu !
La liturgie latine traditionnelle garantit, de la meilleure manière possible, la transmission de la foi catholique (ce qui, en rigueur, nous le savons, ne signifie par pour autant que son célébrant soit parfaitement orthodoxe), alors que pour ce qui concerne le novus ordo il n’y a finalement rien à rajouter de plus que ce qu’affirmaient Leurs Eminences Messieurs les Cardinaux Ottaviani et Biacci dans le fameux « Bref examen critique » : ce nouveau rite de la messe s’éloigne de manière impressionnante de la doctrine du Saint-Sacrifice, de l’Eucharistie et du Sacerdoce telle qu’elle a été précisée par le saint concile de Trente.
C’est tout !
Nous ne cesserons donc de le dire et de le redire : notre attachement à la Sainte Messe latine traditionnelle n’est pas une question de goûts ou de sensibilité, mais il est lié à la défense de l’intégrité de la foi catholique ; notre attachement au rite latin traditionnel n’est pas lié à des formes extérieures mais il est ordonné au combat pour l’orthodoxie doctrinale.
Voilà pourquoi ce n’est pas négociable !
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Coeur
- NDLR : Voir sur ce point l’article Les vrais fruits de la réforme liturgique dans la Lettre aux amis de l’AFS de mai 2024 : https://wp.a-f-s.org/lettre-aux-amis-de-lafs-de-mai-2024-2#fruits ↩︎