Qu’est-ce que la foi ?

Qu’est ce que la foi ?

par  le frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur

 
   Il arrive souvent que l’on entende dire : « J’ai la foi : je crois que Dieu existe… »
Mais lorsqu’on creuse un peu et que l’on pose quelques questions, on se rend vite compte que beaucoup de nos contemporains qui prétendent « avoir la foi », n’ont en réalité qu’une simple croyance, plus ou moins vague, en une « divinité » dont elles ne savent pas dire grand chose, et qui, surtout (c’est son principal intérêt), ne demande pas d’elles des ajustements de comportement ni des efforts de conversion et de sanctification selon des exigences précises ! 

   Or la foi ne consiste pas à dire : « Dieu existe ».
En effet, l’existence de Dieu – c’est-à-dire l’existence d’un pur Esprit, Être unique et parfait, Créateur de l’univers et rémunérateur des actes des hommes – n’est pas l’objet de la foi.

   L’affirmation de l’existence de Dieu est la conséquence logique d’un raisonnement naturel.
La compréhension qu’il existe un pur esprit, unique et infiniment parfait, créateur de toutes choses et qui rétribuera chacun selon ses œuvres, est accessible à tout homme par des actes de raisonnement naturels : il suffit de faire fonctionner logiquement et correctement son intelligence pour dire que Dieu existe.
Aristote y est arrivé. Or Aristote n’avait pas la foi.

   Ce que j’affirme ici n’est pas une opinion personnelle, c’est l’enseignement constant et universel de l’Église, à la suite de saint Paul (relisez par exemple le chap. 1er de l’épître aux Romains).
Cette vieille crapule de Voltaire, ennemi acharné de la foi chrétienne, le résumait aussi à sa manière en affirmant qu’il ne peut y avoir d’horloge sans horloger. En l’occurrence, cet apostat furieux et obstiné ne faisait ici que faire fonctionner correctement son intelligence et sa raison humaines ; il ne posait pas un acte de foi.
Tout en affirmant l’existence d’un « grand horloger », il ne cessait de combattre la religion en général, la Révélation chrétienne en particulier, la Sainte Église et la foi reçue des Âpôtres très spécialement. 

   L’objet de la foi n’est pas « l’existence de Dieu », parce que l’existence de Dieu est accessible à la raison naturelle.

La foi, elle, est surnaturelle.
La foi n’est pas d’ordre sensible ni intellectuel.
La foi porte sur ce que la raison et l’intelligence de l’homme ne peuvent connaître par elles-mêmes.
La foi amène à notre connaissance ce que ni nos sens ni notre intelligence ne peuvent découvrir si Dieu Lui-même ne le révèle.

La définition correcte de la foi est celle-ci : la foi, c’est l’adhésion à Dieu qui Se révèle.

L’objet de la foi est : « ce que Dieu nous fait connaître au sujet de Lui-même », et auquel nous ne pouvons pas accéder par nos propres lumières, par nos propres forces et capacités, laissées à elles-mêmes.

Ainsi la foi dépasse-t-elle par sa nature même – puisqu’elle est surnaturelle – toute opération humaine.

   Cela ne signifie pas que l’homme ne puisse pas ensuite comprendre et expliquer le contenu de la foi. Saint Anselme de Cantorbury a magnifiquement synthétisé cela en une formule lapidaire : « fides quaerens intellectum », qui résume toute la démarche des Pères et des Docteurs de l’Eglise.
« Fides quaerens intellectum », littéralement : « la foi cherchant l’intelligence »,  signifie que la foi – dont l’objet est ce que Dieu nous fait connaître de Lui-même parce que cela n’est pas naturellement accessible à l’homme – peut toutefois être mise en lumière par l’intelligence et le travail de l’homme, sur la base de cette Révélation reçue et acceptée.

   La proposition inverse – appelée « traditionalisme » – a été condamnée par le 1er concile du Vatican : le terme « traditionalisme » n’ayant évidemment rien à voir dans son acception avec l’usage courant dans lequel il est employé de nos jours.

   Je vous renvoie à la lecture de la Constitution dogmatique « Dei Filius » du 24 avril 1870 sur les rapports entre la foi et la raison :

   « (…) quoique la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de véritable désaccord entre la foi et la raison ; car c’est le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi, qui a répandu dans l’esprit humain la lumière de la raison, et Dieu ne peut se nier lui-même, ni le vrai contredire jamais le vrai. Cette vaine apparence de contradiction vient principalement ou de ce que les dogmes de la foi n’ont pas été compris et exposés suivant l’esprit de l’Église, ou de ce que les écarts d’opinion sont pris pour des jugements de la raison. Nous déclarons donc toute proposition contraire à une vérité, attestée par la foi, absolument fausse (…). Et non-seulement la foi et la raison ne peuvent jamais être en désaccord, mais elles se prêtent aussi un mutuel secours ; la droite raison démontre les fondements de la foi, et, éclairée par sa lumière, elle cultive la science des choses divines ; la foi délivre et prémunit la raison des erreurs, et l’enrichit d’amples connaissances. Bien loin donc que l’Église soit opposée à l’étude des arts et sciences humaines, elle la favorise et la propage de mille manières. Car elle n’ignore ni ne méprise les avantages qui en résultent pour la vie des hommes ; bien plus, elle reconnaît que les sciences et les arts venus de Dieu, le Maître des sciences, s’ils sont dirigés convenablement, conduisent à Dieu, avec l’aide de sa grâce ; et elle ne défend pas assurément que chacune de ces sciences, dans sa sphère, ne se serve de ses propres principes et de sa méthode particulière ; mais, tout en reconnaissant cette juste liberté, elle veille avec soin pour les empêcher de tomber dans l’erreur en se mettant en opposition avec la doctrine divine, ou en dépassant leurs limites propres pour envahir et troubler ce qui est du domaine de la foi (…) ».