Entretien avec Monseigneur Viganò

Entretien avec S.E. Mgr Carlo Maria Viganò

S.E. Mgr Carlo Maria Viganò a accordé à Michael Matt, directeur de la publication américaine The Remnant, un long entretien sur la crise du coronavirus publié le 29 mars dernier. Ci-après le texte traduit par Jeanne Smits et autorisé par Mgr Viganò.

Michael J. Matt (MJM) : Excellence, avec quel regard le Chrétien doit-il évaluer la pandémie de covid-19 ?

+ Carlo Maria Viganò : La pandémie du coronavirus, comme toutes les maladies et la mort elle-même, sont une conséquence du péché originel. Le péché d’Adam, notre premier parent, nous a privés, lui et nous, non seulement de la grâce divine, mais aussi de tous les autres bienfaits que Dieu a donnés à la création. C’est alors que la maladie et la mort sont entrées dans le monde comme châtiment pour avoir désobéi à Dieu. La Rédemption qui nous a été promise dans le Protévangile (Genèse 3), prophétisée dans l’Ancien Testament et accomplie avec l’Incarnation, la Passion, la Mort et la Résurrection de Notre Seigneur, a racheté Adam et ses descendants de la damnation éternelle ; mais les conséquences du péché originel sont restées gravées comme une marque de l’ancienne chute et ne seront restaurées qu’à la Résurrection de la chair, qui surviendra au Jour du Jugement – comme nous le proclamons dans le Credo. Il faut s’en souvenir, surtout à une époque où les principes fondamentaux du Catéchisme sont méconnus, voire niés.

Les catholiques savent que la maladie, et par conséquent les épidémies, la souffrance et la perte d’un être cher, doivent être acceptées dans un esprit de foi et d’humilité, et même en expiation de nos propres péchés. Grâce à la Communion des Saints – par laquelle les mérites de tous les baptisés sont transmis aux autres membres de l’Église – nous pouvons également offrir  ces épreuves pour le pardon les péchés d’autrui, pour la conversion de ceux qui ne croient pas encore et pour hâter la purification des Âmes Saintes au Purgatoire. Une épreuve aussi redoutable que le covid-19 peut être une occasion précieuse  pour grandir dans la foi et dans une charité ardente.

Comme nous l’avons vu, si nous ne considérons que l’aspect clinique de la maladie – contre lequel nous devons certainement  faire tout ce qui est en notre pouvoir –, cela supprime  toute dimension transcendante à notre vie, la privant de ce regard surnaturel, sans lequel inévitablement nous nous enfermons dans un égoïsme aveugle et sans espoir.

MJM : Plusieurs évêques et prêtres ont affirmé que Dieu « ne punit pas » et que considérer le coronavirus comme un fléau est une « idée païenne ». Êtes-vous d’accord avec cela ?

La toute première punition, comme je le disais, a été infligée à notre premier parent. Cependant, selon les paroles de l’Exsultet chanté lors de la Vigile pascale : O felix culpa, qui talem ac tantum meruit habere Redemptorem ! Ô heureuse faute, qui nous valut un tel Rédempteur !

Un père qui ne punit pas ses enfants ne les aime pas vraiment, mais les néglige ; un médecin qui observe avec insouciance l’aggravation de son patient jusqu’à ce que la gangrène s’installe, ne cherche pas son rétablissement. Dieu est un Père très aimant qui nous enseigne ce que nous devons faire pour entrer dans le bonheur éternel du Ciel. Lorsque, par le péché, nous désobéissons à ses commandements, il ne nous laisse pas mourir, mais il vient nous chercher et nous envoie de nombreux avertissements, parfois même très sévères, afin  que nous nous convertissions, que nous nous repentions, que nous fassions pénitence et retrouvions ainsi notre amitié avec Lui. « Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. » Je pense que ses paroles de Notre Seigneur ne laissent aucune place à l’ambiguïté.

Je voudrais également ajouter que la vérité sur un Dieu juste qui récompense les bons et punit les méchants fait partie de notre héritage commun, issu de la loi naturelle que Notre Seigneur a inscrite en tout homme, de toutes les époques. C’est un appel, une nostalgie ineffaçable  du paradis terrestre, qui permet  aux païens eux-mêmes de comprendre que la Foi catholique est l’aboutissement nécessaire de tout ce qu’un cœur sincère et bien disposé leur suggère. Je suis surpris qu’aujourd’hui, au lieu de souligner cette vérité inscrite si profondément dans le cœur de chacun, ceux qui nourrissent une si grande sympathie pour les païens n’acceptent pas ce que l’Église a toujours considéré comme la meilleure façon de les gagner au Christ.

MJM : Votre Excellence pense-t-elle qu’il y a certains péchés qui ont provoqué la colère de Dieu plutôt que d’autres ?

Les crimes qui souillent chacun de nous aux yeux de Dieu sont de nouveaux coups de marteau sur les clous qui ont percés les Mains vénérables de Notre Seigneur, un coup de fouet arrachant la chair de son Corps sacré, un crachat sur son Visage bien-aimé. Si seulement nous pouvions considérer cela au plus intime de notre esprit, nous ne pécherions plus jamais. Et les pécheurs pleureraient avec une profonde tristesse pour le restant de leurs jours. Et pourtant, c’est bien cela qui s’est réellement passé : au cours de Sa Passion, notre divin Sauveur a pris sur Lui non seulement le péché originel, mais aussi tous nos péchés, de tous les temps et de tous les hommes. La chose la plus admirable est que Notre Seigneur a voulu endurer la mort sur la Croix, alors qu’une seule goutte de son Sang très précieux aurait suffi à nous racheter tous. « Cujus una stilla salvum facere totum mundum quit ab omni scelere », comme nous l’enseigne saint Thomas.

Outre les péchés commis individuellement, il y a aussi les péchés des sociétés et des nations. L’avortement, qui continue de tuer des enfants innocents même pendant la pandémie ; le divorce, l’euthanasie, l’horreur des soi-disant « mariages » homosexuels, la célébration de la sodomie et d’autres perversions terribles, la pornographie, la corruption des enfants, la spéculation de l’élite financière, la profanation du dimanche…

 MJM : Pouvons-nous demander pourquoi Votre Excellence fait une distinction entre les péchés des individus et les péchés des nations ?

Saint Thomas d’Aquin enseigne qu’il est du devoir de l’individu de reconnaître, d’adorer et d’obéir au seul vrai Dieu. De même, la société – composée d’individus – ne peut pas ne pas reconnaître Dieu et veiller à ce que ses lois permettent à ses membres d’atteindre le bien surnaturel auquel ils sont ordonnés. Il y a des nations qui non seulement ignorent Dieu, mais le nient ouvertement ; qui imposent à leurs citoyens des lois contraires à la morale naturelle et à la foi catholique, telles que la reconnaissance du droit à l’avortement, à l’euthanasie et à la sodomie; qui travaillent à la corruption des enfants et violent leur innocence ; qui accordent le droit de blasphémer la Divine Majesté : ces nations ne peuvent échapper au châtiment de Dieu. Les péchés publics réclament une confession publique et une expiation publique, pour obtenir un pardon public. N’oublions pas que la communauté ecclésiale, qui est aussi une société, n’est pas exempte de la punition céleste lorsque ses responsables se rendent coupables d’offenses collectives.

MJM : Voulez-vous dire par là qu’il y a aussi des fautes de l’Eglise ? 

L’Église est en elle-même et toujours indéfectiblement sainte, parce qu’elle est le Corps mystique de Notre Seigneur, et il serait non seulement téméraire mais blasphématoire de penser que l’institution divine que la Providence a placée sur cette terre comme dispensatrice de la Grâce et seule Arche du Salut puisse être le moins du monde imparfaite. Les louanges que nous attribuons à la Très Sainte Vierge – qui est justement Mater Ecclesiae – peuvent être chantées à la gloire de l’Église : elle est Médiatrice de toutes les grâces par les Sacrements; elle est la Mère du Christ dont elle engendre les membres ; elle est l’Arche de l’Alliance, qui abrite le Pain du Ciel et la table des Commandements; l’Église est le refuge des pécheurs, à qui elle accorde le pardon dans le Sacrement de Pénitence ; elle est la santé des malades, à qui elle a toujours prodigué ses soins; elle est reine de la paix, qu’elle diffuse en prêchant l’Évangile. Mais elle est aussi « terrible comme armée rangée en bataille », car Notre-Seigneur a conféré à ses ministres sacrés le pouvoir de chasser les démons et l’autorité des Saintes Clefs, grâce auxquelles elle ouvre et elle ferme les portes du Ciel. N’oublions pas que l’Église n’est pas seulement l’Église militante ici sur terre, mais aussi l’Église triomphante et l’Église pénitente, dont les membres sont tous des saints.

Je dois également affirmer que bien que l’Église du Christ soit sainte, elle peut être cependant ici bas pécheresse en ses membres, y compris les membres de sa Hiérarchie. En ces temps troublés, nous avons malheureusement de nombreux exemples de clercs indignes, comme l’ont montré les scandales d’abus commis par eux, même par des évêques et des cardinaux.

L’infidélité des Pasteurs sacrés est un scandale pour leurs confrères et pour de nombreux fidèles, non seulement en termes de perversions sexuelles et de soif de pouvoir, mais aussi – je dirais même surtout – lorsqu’ils touchent à l’intégrité de la Foi, à la pureté de la doctrine de l’Église et à la sainteté des mœurs. Des actes d’une gravité inouïe ont été posés, comme nous l’avons vu avec l’adoration de l’idole de la pachamama au cœur du Vatican. En effet, je crois que Notre-Seigneur est particulièrement outré par la multitude de péchés et de scandales commis par ceux qui devraient être un exemple et un modèle, en tant que pasteurs, pour le troupeau qui leur est confié.

De plus, n’oublions pas que le mauvais exemple offert par une grande partie de la hiérarchie n’est pas seulement un scandale pour les catholiques, mais aussi pour de nombreuses personnes qui, bien qu’elles n’appartiennent pas à l’Église, la considère comme un phare et un point de référence. Et ce n’est pas tout : ce fléau ne peut dispenser l’Église, dans sa hiérarchie, de faire un sévère examen de conscience, pour s’être rendue au monde. L’Église ne peut échapper au devoir de condamner fermement toutes les erreurs qu’elle a laissé se répandre en son sein après le Concile Vatican II et qui ont attiré de justes châtiments sur elle-même et sur le monde : nous devons réparer ces erreurs et retourner à Dieu.

Je regrette de constater qu’aujourd’hui encore, alors que nous sommes tous témoins de la colère divine qui frappe le monde, nous continuons à offenser la Majesté de Dieu en parlant de « la vengeance de la Terre Mère qui réclame le respect », comme l’a affirmé le pape il y a quelques jours dans sa énième interview. Il est en revanche urgent de demander pardon pour le sacrilège perpétré dans la basilique Saint-Pierre, en la reconsacrant selon les normes canoniques avant d’y célébrer à nouveau le Saint Sacrifice de la Messe.
Une procession pénitentielle solennelle devrait également être organisée – même des seuls prélats – présidée par le pape, qui implore la miséricorde de Dieu sur eux-mêmes et sur le peuple. Ce serait un geste d’authentique humilité, que de très nombreux fidèles attendent, en réparation des péchés commis.

Comment pouvons-nous taire notre désarroi lorsque nous entendons des paroles comme celles prononcées à Sainte Marthe le 26 mars ? Le pape a dit à cette occasion : « Que le Seigneur ne nous trouve pas, au terme de notre vie, et dise à chacun de nous : Tu t’es perverti. Tu t’es éloigné du chemin que je t’avais indiqué. Tu t’es prosterné devant une idole. » Nous sommes complètement bouleversés et indignés en écoutant de telles paroles, en considérant que le pape a lui-même consommé un véritable sacrilège à la face du monde, jusque sur l’Autel de la Confession de Saint Pierre, une véritable profanation, un acte d’apostasie, avec l’idole immonde et démoniaque de pachamama.

MJM : En la fête de l’Annonciation de Notre-Dame, les évêques du Portugal et d’Espagne ont consacré leurs pays au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie. Les évêques d’Irlande, d’Angleterre et du Pays de Galles ont fait de même. Dans de nombreux diocèses et villes ailleurs, les évêques et les autorités locales ont placé leurs communautés sous la protection de la Très Sainte Vierge Marie. Comment Votre Excellence considère-t-elle ces événements ?

Ce sont là des gestes qui suscitent de l’espérance, bien qu’insuffisants pour réparer nos fautes, et jusqu’ici ignorés par les sommets de l’Eglise, tandis que le peuple chrétien crie haut et fort pour un geste solennel et choral à ses Pasteurs. Notre Dame, à Fatima, a demandé que le Pape et tous les évêques consacrent la Russie à son Cœur Immaculé, annonçant des malheurs et des guerres jusqu’à ce que cela se produise. Ses appels sont restés sans réponse. Que les Pasteurs se repentent et obéissent à la Vierge Très Sainte ! Il est honteux et scandaleux que l’Église en Italie ne se soit pas jointe à cette grande initiative !

MJM : Comment jugez-vous la suspension des célébrations étendue presque partout dans le monde ?

C’est une grande souffrance, je dirais même la plus grande qui a été imposée à nos fidèles, tout spécialement aux mourants, les privant du recours aux sacrements.
Dans cette situation, il a semblé que les Évêques, à quelques rares exceptions près, n’aient eu aucun scrupule à fermer les églises et à empêcher la participation des fidèles au Saint Sacrifice de la Messe. Ils se sont comportés comme de froids bureaucrates, comme des exécuteurs de la volonté du Prince : cette attitude est désormais perçue par la plupart des fidèles comme un signe inquiétant de leur manque de Foi. Et comment les blâmer ?

Je me demande – et je tremble de l’affirmer – si la fermeture des églises et la suspension des célébrations n’est pas une punition que Dieu a ajoutée à la pandémie. « Ut scirent quia quae peccat quis, per haec et torquetur. Afin qu’ils comprennent que l’on est châtié par où l’on pèche» (Sagesse 11, 17). Offensé par la négligence et le manque de respect de tant de ses Ministres, outragé par les profanations du Saint-Sacrement qui se produisent quotidiennement avec l’habitude sacrilège d’administrer la Communion dans la main, las de supporter des chansons vulgaires et des sermons hérétiques, Notre-Seigneur se complaît de nos jours encore d’entendre s’élever vers Lui – depuis le silence de nombreux Autels – la louange sobre et austère de tant de prêtres qui célèbrent la Messe de toujours. Cette Messe qui remonte aux temps des Apôtres, et qui a toujours été, au cours de l’histoire, le cœur palpitant de l’Église. Prenons très au sérieux cet avertissement très solennel : Deus non irridetur. On ne se moque pas de Dieu!

Je comprends et partage, bien entendu, le respect dû aux principes fondamentaux de protection et de sécurité que l’Autorité civile établit pour la santé publique. Cependant, tout comme elle a le droit d’adopter des mesures affectant le corps, l’autorité ecclésiastique a le droit et le devoir de s’occuper de la santé des âmes : elle ne peut priver les fidèles de la très sainte Eucharistie, encore moins du sacrement de Pénitence et du Saint Viatique. Pourtant, alors que les magasins et les restaurants étaient encore ouverts, de nombreuses conférences épiscopales avaient déjà ordonné la suspension des fonctions sacrées, sans que les Autorités civiles ne le demandent.
Cette attitude révèle la situation douloureuse dans laquelle se trouve la Hiérarchie, prête à sacrifier le bien des âmes pour plaire au pouvoir de l’État ou à la dictature de la « pensée unique ».

MJM : Votre Excellence a mentionné les restaurants. Que dites-vous des repas pour les pauvres qui ont été offerts ces derniers mois dans les lieux de culte eux-mêmes ?

Pour un vrai catholique, l’assistance à ceux qui sont dans le besoin a son propre moteur dans la vertu de charité, c’est-à-dire en Dieu lui-même – Deus Caritas est. Il aime le Seigneur par-dessus tout, et le prochain par amour pour Lui. Cela lui donne de voir le Christ – conformément aux béatitudes évangéliques – dans les pauvres, les malades, les prisonniers et les orphelins. L’Église a toujours été, depuis ses débuts, un exemple lumineux en ce domaine, au point que les païens eux-mêmes en ont été édifiés. L’histoire témoigne des nombreuses et impressionnantes œuvres d’assistance mises en place grâce à la générosité des fidèles, même en période d’ouverte hostilité de l’État, qui bien souvent s’est emparé des biens des fondations, mu par la haine que la franc-maçonnerie nourrissait envers un témoignage aussi limpide des catholiques. Le soin des pauvres et des marginaux n’est pas une nouveauté du « nouveau cours bergoglien », il n’est pas non plus l’apanage d’organisations idéologiquement alignées. Mais il est significatif que l’accent posé idéologiquement sur l’assistance aux pauvres apparaisse sans aucune référence au surnaturel, limité aux seules œuvres de miséricorde corporelle, en évitant méticuleusement les œuvres de miséricorde spirituelle. Et ce n’est pas tout : le pontificat actuel a définitivement sanctionné la renonciation au caractère missionnaire de l’Église, à l’apostolat, qualifié avec le terme péjoratif de prosélytisme. Tout se limite à fournir de la nourriture, de l’hospitalité et des soins de santé, mais personne ne prodigue de nourriture, d’hospitalité ou de soins aux âmes de ceux qui en ont si désespérément besoin, réduisant ainsi l’Église à une ONG à des fins philanthropiques. Mais la Charité n’est pas une variation de la philanthropie d’inspiration maçonnique, à peine voilée d’un vague spiritualisme, mais son exact contraire. La solidarité que nous voyons à l’œuvre de nos jours nie qu’il n’y ait qu’une seule vraie Église, dont le message de salut doit être prêché à ceux qui ne lui appartiennent pas encore. Ce n’est pas tout : en raison des graves déviations qui se sont répandues dans l’Église avec le Concile, en matière de liberté religieuse et d’œcuménisme, de nombreux organismes caritatifs confirment aujourd’hui dans leur paganisme ou leur athéisme les personnes qui leur sont confiées, allant jusqu’à leur offrir des lieux de culte où ils peuvent prier. Nous avons vu également des cas déplorables de Messes au cours desquelles, à la demande explicite du célébrant, le coran a été proclamé à la place de l’Évangile, ou, comme cela s’est produit récemment, l’idolâtrie a été pratiquée dans des églises catholiques.

Je crois que la décision de transformer les églises en réfectoires ou en dortoirs pour y abriter les personnes dans le besoin est un phénomène révélateur de cette hypocrisie sous-jacente qui, comme dans le cas de l’œcuménisme, utilise un prétexte apparemment louable – assister les nécessiteux ou accueillir les réfugiés – comme un instrument pour réaliser progressivement le rêve maçonnique d’une grande religion universelle sans dogmes, sans rites, sans Dieu. Utiliser les églises comme des tavernes, en présence de prélats complaisants, en train de servir des pizzas ou des côtelettes avec un tablier par dessus leur robe ecclésiastique, revient à les profaner; surtout lorsque ceux qui s’exposent aux photographes en souriant se gardent bien d’ouvrir les portes de leur palais épiscopal à ceux dont ils veulent profiter à des fins politiques. Pour revenir sur ce que je disais tout à l’heure, il me semble que ces sacrilèges soient eux aussi à l’origine de la pandémie actuelle et de la fermeture des églises.

Il me semble également que trop souvent la pauvreté de tant de malheureux est mise en scène. Nous ne l’avons que trop souvent vu avec les débarquements de clandestins, transportés par des marchands d’esclaves, dans le seul but de mettre en place une industrie de l’accueil, derrière laquelle se cachent non seulement des intérêts économiques sordides, mais aussi une complicité non-avouée avec ceux qui cherchent à détruire l’Europe chrétienne, à commencer par l’Italie.

MJM : Dans certains cas, comme dans la ville de Cerveteri près de Rome, les forces de l’ordre ont arrêté un prêtre qui célébrait la Messe. Comment les autorités de l’Eglise ont-elles réagi à ce genre de faits ?

Le cas de Cerveteri a pu relever d’un excès de zèle de la part de deux gardes municipaux, très probablement stressés par le climat alarmant qui est apparu depuis le début de l’épidémie. Mais il doit être clair, surtout dans un pays comme l’Italie, dans lequel est en vigueur un Concordat entre l’Église Catholique et l’État, que les autorités ecclésiastiques jouissent d’un droit exclusif sur les lieux de culte. Le Saint-Siège et l’Ordinaire du lieu auraient dû protester fermement contre une telle violation du Traité du Latran, qui a été confirmé à nouveau en 1984 et qui est toujours en vigueur. Une fois de plus, l’autorité des évêques, qui leur a été octroyée directement par Dieu, se dissout comme neige au soleil, démontrant une pusillanimité qui pourrait à l’avenir autoriser des abus plus graves encore. Permettez-moi de profiter de cette occasion pour solliciter une condamnation très ferme de cette ingérence intolérable de l’Autorité civile dans des affaires qui relèvent directement de la responsabilité de l’Autorité ecclésiastique.

MJM : Le pape François a invité tous les chrétiens, catholiques et non-catholiques, à se réunir le 25 mars pour demander à Dieu de mettre fin à cette pandémie, et il a laissé entendre que les membres d’autres religions pourraient se joindre à sa prière.

Le relativisme religieux qui s’est faufilé dans l’Eglise avec le Concile Vatican II a effacé chez de nombreuses personnes, la persuasion que la foi catholique est le seul moyen de salut, et que le Dieu Unique en trois Personnes que nous adorons, est le seul vrai Dieu.

Dans sa déclaration d’Abou Dhabi, le pape Bergoglio a déclaré que toutes les religions sont voulues par Dieu : ceci n’est pas seulement une hérésie, mais une forme d’apostasie très grave et un blasphème. En effet : affirmer que Dieu accepte d’être adoré indépendamment de la façon dont Il s’est Lui-même révélé, signifie que l’Incarnation, la Passion, la Mort et la Résurrection de notre Sauveur sont complètement dénuées de sens. Cela signifie nier, rendre inutile, vaine la raison d’être de l’Église, la raison pour laquelle des millions de saints martyrs ont livré leur vie, la raison pour laquelle les Sacrements ont été institués et pour laquelle le sacerdoce et la papauté elle-même existent.

Malheureusement, juste au moment où nous devrions expier les offenses infligées à la divine Majesté, voici quelqu’un qui nous demande de Le prier avec ceux qui refusent d’honorer Sa Très Sainte Mère, le jour de Sa Fête. Est-ce là la meilleure façon pour mettre fin au fléau qui nous frappe ?

MJM : Il est vrai aussi que la Pénitencerie Apostolique a accordé des indulgences spéciales à ceux qui sont frappés par cette terrible affliction et à ceux qui les assistent matériellement et spirituellement.

Tout d’abord, il est nécessaire de souligner avec force que les indulgences ne peuvent jamais remplacer les sacrements. Nous devons résister fermement aux décisions infâmes de quelques pasteurs, qui ont récemment interdit à leurs prêtres d’entendre des confessions ou d’administrer le baptême. Ces mesures – ainsi que l’interdiction des Messes publiques et la suspension de la Sainte Communion – sont contraires à la Loi divine et sont la preuve que derrière tout cela se cache Satan. Seul l’Ennemi peut inspirer de telles mesures entraînant la perte spirituelle de nombreuses âmes. Ce serait comme ordonner aux médecins de ne pas traiter des patients en danger de mort.

L’exemple de l’épiscopat polonais, ordonnant de multiplier les célébrations eucharistiques afin de permettre la participation des fidèles sans risques de contagion, devrait être suivi par toute l’Église, si la Hiérarchie se souciait réellement du salut éternel du peuple chrétien. Il est significatif qu’en Pologne, l’impact de la pandémie soit plus faible que dans d’autres pays.

La doctrine des Indulgences survit aux attaques des novateurs, et c’est une bonne chose. Cependant, si le Souverain Pontife a le pouvoir de puiser dans les richesses infinies de la Grâce, il est également vrai que les indulgences ne peuvent être banalisées ou considérées comme une sorte de prime ou de solde de fin de saison. Les fidèles ont ressenti la même chose à l’occasion du Jubilé de la Miséricorde : l’Indulgence plénière a été accordée dans des conditions telles que ceux qui devaient en bénéficier se sont à peine rendu compte de la gravité de la démarche. Il se pose également le problème de la Confession sacramentelle et de la Communion eucharistique nécessaires pour bénéficier des indulgences, que la Pénitencerie Apostolique a reporté à une date non précisée : « dès que cela sera possible ».

MJM: Croyez-vous que les dispenses relatives à l’absolution générale au lieu de l’absolution individuelle peuvent s’appliquer dans l’épidémie actuelle ?

Un danger de mort imminent justifie certaines solutions que l’Église, dans son zèle pour le salut éternel des âmes, a toujours généreusement permises. C’est le cas de l’absolution générale pour les soldats sur le point d’aller au combat, ou pour les personnes à bord d’un navire qui coule. Si l’urgence dans une unité de soins intensifs ne permet l’accès au prêtre que dans des conditions extrêmement strictes, et qu’il ne peut entendre les confessions individuelles des mourants, je pense qu’une telle solution peut être la meilleure. Toutefois, si un précédent est créé, selon lequel l’absolution générale est étendue à tous les cas, même lorsque les pénitents ne sont pas en danger de mort immédiate, nous devons être extrêmement prudents pour veiller à ce que l’Église autorise dans les cas extrêmes ne devienne pas la norme.

Permettez-moi de rappeler également que la Messe diffusée par Internet ou à la télévision ne remplit pas le précepte de participer à la Messe dominicale. Cela peut être un moyen louable de sanctifier le jour du Seigneur lorsque l’on est dans l’impossibilité de se rendre à l’église ; mais nous devons toujours nous rappeler que la pratique sacramentelle ne peut pas être remplacée par la virtualisation du sacré. De même que dans l’ordre naturel nous ne pouvons pas nourrir notre corps en regardant l’image d’un aliment.

MJM : Quel message Votre Excellence souhaite-t-elle transmettre à ceux qui ont, aujourd’hui, la responsabilité de défendre et de guider le troupeau du Christ ?

Il est indispensable et urgent que le pape, tous les évêques, les prêtres et les religieux s’engagent dans une authentique conversion. C’est ce que réclament les laïcs, qui souffrent en proie à la confusion, faute de guides fidèles et sûres.

Nous ne pouvons pas permettre que le troupeau que le divin Pasteur nous a confié pour le gouverner, le protéger, le conduire au salut éternel, soit dispersé par des mercenaires infidèles. Nous devons nous convertir, pour n’appartenir qu’à Dieu seul, sans aucun compromis avec le monde.

Les évêques doivent reprendre conscience de leur propre Autorité apostolique, qui est personnelle, qui ne peut être déléguée à des sujets intermédiaires comme les Conférences épiscopales ou les synodes, qui ont faussé l’exercice du ministère apostolique, causant ainsi de sérieux dommages à la constitution divine de l’Église, telle que le Christ l’a voulue.

Assez de voies synodales ! Assez d’une collégialité mal comprise ! Assez de cet absurde sentiment d’infériorité et de flatterie à l’égard du monde ! Assez de cet usage hypocrite du dialogue au lieu de l’annonce intrépide de l’Évangile ! Assez de l’enseignements de fausses doctrines et la peur de prêcher la pureté et la sainteté de la vie ! Assez de silences craintifs devant l’arrogance du mal ! Assez de l’occultation d’ignobles scandales. Assez de mensonges, de tromperies, de vengeance !

La vie chrétienne est une milice, un combat, et non une marche insouciante vers l’abîme. À chacun de nous, en raison des Ordres sacrés dont nous sommes investis, le Christ demandera de rendre compte des âmes que nous avons sauvées, et de celles que nous avons perdues, pour ne pas les avoir prévenues et aidées. Revenons à l’intégrité de la Foi, à la sainteté des mœurs, au seul culte qui plaise à Dieu !

Conversion et pénitence, donc, comme nous le demande la Très Sainte Vierge, Mère de l’Église ! Demandons tous à la Vierge Marie, Tabernacle du Très-Haut, de donner aux prêtres et aux évêques l’élan héroïque dont ils ont besoin pour sauver l’Église et pour réaliser la victoire son Cœur Immaculé.

 + Carlo Maria Viganò
Premier dimanche de la Passion 2020